La Nuit du chasseur

7 juin 2017

Je viens de revoir pour la énième fois La Nuit du chasseur, ce film emblématique sur les vilains prêcheurs ou les faux pasteurs, réalisé par Charles Laughton en 1954. J’ai choisi ce film pour illustrer la couverture de mon livre Hollywood, le prêtre et le nabab, J’ai eu envie d’en tirer quelques extraits pour vous.

Après un vol et un meurtre, Ben Harper a juste le temps de dire à ses enfants, John et Pearl, l’endroit où il a caché son butin et leur fait promettre de ne le révéler à quiconque, pas même à leur mère. Il est arrêté par la police et mis en prison où il partage la cellule avec Harry Powell (Robert Mitchum), un prêcheur arrêté pour un vol de voiture. Harper, dans son sommeil, livrera son secret. Une fois Harper exécuté, Powell est libéré et il commence alors une «chasse» au trésor qui le conduira d’abord à épouser la mère des deux enfants, puis à la tuer et à harceler les enfants. Rien n’y fait, John et Pearl tiennent leur promesse et fuient dans une barque la nuit pour échapper au prédicateur. On peut voir dans cette image une reconstitution allégorique de la légende des disciples du Christ traversant la mer avant que celui-ci ne les rejoigne en marchant sur l’eau.

Tout au long de ce périple, Powell, fou et exalté, déguisé en pasteur, ne cesse de s’adresser à Dieu et de réciter des textes sacrés. Il est persuadé que c’est Dieu lui-même qui guide ses actions meurtrières, en se référant à la Bible. Il arrive malgré tout à rejoindre les enfants. Mais, tel Moïse sauvé des eaux, ceux-ci sont recueillis par Mrs Cooper (Lillian Gish), une femme pieuse et bienveillante. Certes pour protéger les enfants, elle n’hésite pas à faire feu sur Powell, mais comme beaucoup de personnages des films hollywoodiens, elle assume sa responsabilité tout en étant en accord avec sa foi religieuse. Ne la voit-on pas d’ailleurs en médaillon dans le ciel comme le signe de la grâce divine ? Et n’est-elle pas aussi l’expression du bien et de l’amour face à la mort et la haine du faux prêcheur ? Dualité, «duélité» devrait-on dire, si bien exprimée par le tatouage sur les phalanges de Powell : L.O.V.E et H.A.T.E. La représentation d’un tel manichéisme ponctue l’intrigue par des effets stylistiques directement significatifs. Ainsi par exemple, lorsque Powell s’apprête à tuer sa femme couchée dans son lit, il lève son poignard vers le ciel comme s’il obéissait aux injonctions divines alors que sa femme prie, les yeux fermés, son visage baigné d’un halo de lumière. Les effets d’ombre et de lumière ainsi que les voutes mansardées de la chambre font de celle-ci une chapelle, bientôt ardente. De la même façon lorsque le corps de la mère est découvert sous l’eau du lac, c’est l’image d’une vierge immolée en sacrifice à Dieu que l’on aperçoit.

Lorsque Mrs Cooper veille les enfants, fusil à la main et que le révérend fait le siège de la maison, tous deux chantent à l’unisson un cantique, expression du clivage entre le bien et le mal. Face au mal de Powell, c’est Mrs Cooper qui porte en elle le bien. Vigilante et protectrice, on la voit assise avec son fusil et le jeune John à ses genoux, telle une vierge à l’enfant ou plus loin, telle une piéta, tenant l’enfant endormi entre ses bras.

Dans des noirs et blancs fortement contrastés et des éclats de lumière de facture expressionniste que l’on doit à l’excellence du chef opérateur Stanley Cortez, Robert Mitchum compose un personnage psychopathe et plein de haine. Il finira par être arrêté par la police. Le bien doit toujours vaincre.

Extrait du livre, Hollywood le prêtre et le nabab, page 165 – Éditions Bréal

La Nuit du chasseur, (The Night of the Hunter) – Charles Laughton – 1954
(Disponible en DVD et Blu-ray)

 

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