« Epicentro » : Hasta siempre !

31 août 2020


Photo : AlloCiné

Hasta siempre Cuba ou Hasta siempre America ? Telle est la question qu’on pourrait se poser, entre autres, à propos du film-documentaire de Hubert Sauper, Epicentro. Tourné avec des habitants de La Havane, le cinéaste nous montre une ville faite de contrastes saisissants où les maisons en ruine côtoient les hôtels de luxe, où la misère des habitants semble occultée par les dollars déversés par les touristes. Ici on a récupéré un ventilateur américain, là un frigo russe. Les tacots américains continuent de séduire les visiteurs et font rêver les jeunes enfants que Sauper filme avec grâce et poésie. Rêve d’Amérique bien sûr, fantasme de devenir des actrices, de se divertir un jour à Disney Land. Le mythe de l’Amérique est toujours là, présent dans les multiples signes filmés par le cinéaste : vieilles Cadillac et Chevrolet, buste de Hemingway, Charlot… et le cinéma qui donne au film ce rythme musical : des extraits du Dictateur de Charlie Chaplin, de Voyage dans la lune de Georges Méliès et la présence surprenante à l’écran de Oona Chaplin, la petite fille du génie.
Le mythe de Cuba irrigue aussi le film. L’utopie de la révolution, c’est le récit que font les enfants programmés par la propagande castriste – notamment cette pétillante petite Leonelis – en chantant par coeur l’hymne national. Et c’est ce folklore, que les touristes viennent photographier. Ce qui ne déplait pas aux autorités qui voient là une source de devises, mais qui n’enchantent pas du tout ni Hubert Sauper, ni les Cubains, qui regrettent que Cuba soit devenu « un pays pour les étrangers ». Mais les mythes se fracassent les uns contre les autres. Les Américains libèrent Cuba de la domination espagnole à la suite de l’explosion du navire USS Maine en 1898. Ils en font tout de suite un film qui va façonner l’identité cubaine. Déjà le cinéma comme outil de la conquête de l’île et de son devenir de « casino de mafieux ». 60 ans après, c’est au tour des révolutionnaires de Castro de prendre le pouvoir. L’utopie castriste contre le mythe du rêve américain. Deux fictions cinématographiques juxtaposées en quelque sorte.
Mais où est donc le Cuba réel ? Hubert Sauper le distille peut-être par petites touches. Est-ce cet homme qui fume le cigare au tout début du film et que l’on retrouve à la toute fin, toujours son cigare aux lèvres mais les pieds dans l’eau des vagues qui déferlent jusqu’au seuil des maisons misérables du Malecon ? Ou bien le rhum et la salsa comme le dit si bien une protagoniste, une façon d’entrer dans le réel… ou de retourner à la fiction, de se perdre dans une nouvelle utopie ? Hubert Sauper nous donne là un film ambigu mais si beau et si poétique.

Epicentro – Les jeunes prophètes de Cuba
Documentaire de Hubert Sauper
Avec Hubert Sauper, Oona Chaplin et des habitants de La Havane
Production : France – Autriche – USA – 2017
Distribution : Les Films du Losange – 2020
En salles depuis le 19 août 2020

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