« Outrage » : Le calme après l’orage

20 septembre 2020


Photo : La Filmothèque

La grande actrice Ida Lupino est aussi une grande cinéaste engagée. Son troisième long métrage, Outrage, décrit le calvaire et la résilience d’une jeune femme, Ann Walton (Mala Powers), dans un milieu petit bourgeois de l’Amérique des années 1950. Au lendemain de ses fiançailles avec Jim Owens (Robert Clarke), Ann est victime d’une agression et d’un viol. Sa vie devient un cauchemar et elle n’aura qu’une idée : fuir. S’évader du lieu maudit où on ne la perçoit plus comme la gentille comptable qu’elle est, ni même comme victime. Elle ne supporte plus les regards de sollicitude, de condescendance, de curiosité voire de mépris. Ne serait-elle pas sa propre victime ? Jolie et pimpante, ne serait-elle pas elle-même la responsable de son agression ? Dans son errance, épuisée, elle est recueillie par le pasteur Bruce Ferguson (Tod Andrews) qui lui prodigue attention et soutien sans rien connaitre de son histoire. Ainsi, le pasteur nous est dépeint comme une personne d’une grande humanité, accueillant autrui dans toute son altérité et lui accordant aveuglément sa confiance. Ce en quoi Ann lui est reconnaissante.
Ida Lupino tourne ces premières parties du film en utilisant tous les ressorts du film noir classique, notamment la scène de l’agression. Les effets de contraste lumineux du noir et blanc, plongent le spectateur dans un sentiment d’intense frayeur. Le son, les cadrages, la longueur de certains plans y sont pour beaucoup : l’ombre de l’agresseur se dessinant sur un mur blanc, suivie de sa silhouette ; son sifflement, comme si de rien n’était ; la prise de conscience d’Ann d’être suivie ; les bruits de pas secs qui s’accélèrent de l’agresseur, passant devant une affiche sur laquelle des faces de clowns s’étalent ; la course folle d’Ann entre des colonnes de cartons d’un entrepôt et les camions garés sur un parking puis dans les rues désertes sans aucune aide possible jusqu’au klaxon strident et interminable annonçant l’agression fatale. On n’oubliera pas de sitôt de telles images !
Le lent retour à la vie n’effacera pas la douleur et le traumatisme d’Ann. Lors d’une fête organisée par le pasteur, Ann est exposée aux avances d’un importun qu’elle rejette avec force revoyant en lui celui qui l’avait violée. Dans des efforts d’une tension angoissante Ann, se saisit d’une clé à molette et frappe l’homme. Cette extraordinaire scène avec son cadrage serré sur le visage terrifié d’Ann nous fait penser sans aucun doute à Hitchcock, lorsque dans Le crime était presque parfait, Grace Kelly, se débattant, plante une paire de ciseaux dans le dos de son agresseur.
Outrage : Un film majeur d’Ida Lupino. Un chef d’oeuvre du film noir.

Outrage
Ida Lupino – USA 1950
Avec Mala Powers et Ton Andrews
En salle – en version restaurée – depuis le 9 septembre 202
Disponible en DVD et Blu-ray
À noter : Rétrospective « Ida Lupino Réalisatrice » en 4 chefs-d’oeuvre à partir du 30 septembre 2020.

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