« John Huston » : un Malin au cœur du Volcan

9 mai 2021


Photo : Carlotta

Les deux films magnifiques de John Huston, Le Malin (1979) et Au-dessous du volcan (1984) ressortent en version restaurée.
Dans Le malin, le héros Hazel Motes (fascinant Brad Dourif) perd la raison et avance vers la mort. Démobilisé, il revient vers sa famille et décide alors de fonder son église. John Huston porte ici la critique du fondamentalisme évangélique à un niveau paroxystique. Il situe le personnage de Hazel Motes carrément dans la folie et le délire. C’est un pasteur ou un anti-pasteur, dénonciateur de la supercherie des faux prophètes, mais prédicateur fanatique et blasphémateur à son tour. Hazel Motes s’improvise leader de « l’Église du Christ sans Christ… qui ne ressuscite pas les morts et ne guérit pas les paralytiques ». Il revoit en rêve son évangéliste et tyran grand-père (John Huston lui-même) qui prétendait sauver le monde de l’enfer. Il croise un pasteur prétendument aveugle (Harry Dean Stanton) ou d’autres vrais/faux prédicateurs, illuminés, avides d’argent, comme ce marchand d’épluche-légumes ou cet ex-speaker de la radio. Une fille stupide apparait berçant dans ses bras une sorte de poupon grotesque, telle une fausse vierge à l’enfant.
Possédé, Hazel Motes projette sa haine sur la religion et terrifie la foule en prêchant l’Antéchrist. Assassin, il s’aveugle comme Œdipe et meurt à son tour enfin dans d’atroces souffrances comme « un Christ du Dernier Jour ». Les « messages de Dieu » sont banalisés, transformés en décors de foire, livrés comme des totems dans le paysage avec des « Jesus Loves » en néon rouge ou des « Jesus Cares » sur les façades. Dans ce film, John Huston dénonce le délire religieux qui traverse l’Amérique de cette époque. Un film déconcertant, fascinant et grotesque à la fois.

Dans Au-dessous du volcan, au Mexique, le consul anglais Geoffrey Firmin (Albert Finney), abandonné par sa femme (Jacqueline Bisset), miné par l’alcool, en pleine déraison, erre vers sa mort. Ici la mort n’est pas une fin, mais le signe de la durée. Elle est en quelque sorte engloutie dans la liesse de la journée des morts, que John Huston et Gabriel Figueroa (le directeur de la photo) filment avec une extraordinaire maestria.
Dans ce film, Huston ne procède pas par un récit fait d’instants où chaque plan est lié au plan précédent ou au suivant par une logique rationnelle ou chronologique. Au contraire, il utilise des méthodes qui tournent le dos à la rationalité, à l’analyse, à la volonté de comprendre. Sa démarche est plus globalisante et se situe dans le registre des émotions brutes, de l’imaginaire. On n’est jamais dans l’expérimentation ou le découpage, mais dans la perception globale, dans le stéréotype. Le spectateur est de plain-pied dans le film. Certes il ne s’identifie pas au héros, Geoffrey Firmin, mais il n’entretient aucune distance avec lui.
La rhétorique romanesque du film nous entraine dans les profondeurs d’une mythologie où les hommes, les animaux et les dieux, mais aussi les éléments (l’eau, le feu…) entretiennent entre eux des relations chaotiques, en fusion. Où la passion, l’angoisse, la folie débordent. Il n’y a ni accélération vers la mort, ni ralentissement, ni explosion. Mais plutôt un magma, une totalité dense et opaque, dans les convulsions du Mexique d’hier et d’aujourd’hui.

Le Malin (Wise Blood)
John Huston
USA – 1979
Avec Brad Dourif, Harry Dean Stanton
Disponible en DVD et Blu-ray Carlotta

Au-dessous du volcan
John Huston
USA – 1984
Avec Albert Finney, Jacqueline Bisset
Disponible en DVD et Blu-ray Carlotta

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