16 avril 2025
Photo : SensCritique
Alfred Hitchcock a réalisé Le Faux coupable en 1956. Il s’est appuyé sur un fait-divers réel raconté dans un article paru dans Life magazine en 1953, relatant le drame vécu par Manny Balestrero. Dans le film, Hitchcock (qui pour une fois n’apparait pas de manière fugace en caméo) s’affiche en silhouette noire sur un fond lumineux d’une blancheur violente, en présentant l’histoire dès le générique. Manny (Henry Fonda), est contrebassiste dans un club de jazz. Il vit heureux avec son épouse et ses deux fils. Pris entre ses factures et ses crédits, il se rend dans une compagnie d’assurances pour y demander un prêt. Là, il est reconnu comme étant l’homme y ayant commis un hold-up. Il aurait même braqué plusieurs commerces et, à chaque fois, il est reconnu par ses victimes. Il est arrêté et emprisonné. Sa confrontation avec les institutions judiciaires et carcérales pour se disculper s’avère un véritable chemin de croix.
Les premières images nous montrent Manny rangeant sa contrebasse à la fin d’une représentation et se dirigeant vers le métro, journal à la main. Le plan est très hitchcockien, souple, fluide d’une grande lenteur. Manny est de profil et le hasard fait qu’il est encadré par deux agents de police. En noir et blanc avec un éclairage nocturne, Hitchcock laisse entrevoir ici un futur menaçant. On retrouve la même précision et la même lenteur lorsque Manny prend place dans le métro ou lorsqu’attablé dans un café, il sélectionne les paris qu’il s’apprête à prendre, peut-être pour compléter ses faibles revenus. Les colonnes du journal, le stylo à la main, les jeux sélectionnés, entourés… le plan est génialement cadré, ciselé même pourrait-on dire.
Lorsque Manny est emprisonné, tout son corps est plongé dans l’incompréhension et l’angoisse. Son immersion dans l’univers carcéral le terrifie. Dans un silence de plomb à peine entrecoupé des notes de musique stridentes de Bernard Herrmann, la caméra détaille dans un inventaire, hélas pas à la manière de Prévert, les conditions matérielles de vie dans une cellule : la lucarne, les barreaux, l’ouverture…
Lors de son procès, le mouvement de caméra circulaire, nous montre un Manny pris de vertige dans sa descente aux enfers. Comment peut-il être coupable ? Comment peut-il penser que sa femme Rose (Vera Miles) le considère elle aussi comme coupable, ce qui d’ailleurs la rendra folle ? Alors, il va prier devant une image du Christ en attendant qu’un miracle se produise pour faire triompher son innocence. Et le miracle se produit, quand dans une sorte de fondu, l’image du vrai coupable se superpose à celle très ressemblante de Manny. Le coupable est arrêté. Manny obtient la rédemption. Rose est guérie. Happy end certes, mais quelle élégance que tous ces plans rapprochés, quelle fluidité des mouvements de caméra, quelle sobriété dans les quelques dialogues utiles, quelle mise en place architecturale de la photo… Une leçon de cinéma.
Le faux coupable (The Wrong Man)
Alfred Hitchcock
USA – 1956
Avec Henry Fonda et Vera Miles
Disponible en DVD et Blu-ray
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