« Règlement de comptes » : vengeance et justice

9 décembre 2020


Photo : AlloCiné

Dave Bannion (Glenn Ford) est apparemment un flic intègre, sans histoires. Mais dès le début du film de Fritz Lang, il va se trouver embarqué dans une aventure qui va faire de lui un justicier impitoyable à la haine débordante.
Parti à la recherche de la vérité après le suicide de son chef, Bannion se heurte aux agissements du truand Mike Lagana (Alexander Scourby) aux allures de grand bourgeois qui veut « s’emparer de la ville » comme il le dit lui-même. Les fonctionnaires de la ville, corrompus, ne sont pas en reste et ne font rien pour faire éclater la vérité. Au cours de son enquête, sa femme est assassinée. Dès lors, Bannion ne se fixe plus qu’une mission : se venger. Fritz Lang nous plonge ici dans un film d’une noirceur, d’une violence et d’un pessimisme désespérants. La pugnacité de Bannion, sa détermination et sa haine finiront par mettre un terme à l’aventure des criminels. Au prix de la mort de Debby (fascinante Gloria Grahame), d’abord faire valoir des mafieux, puis complice de Bannion qu’elle aide à élucider l’affaire.
La première partie est un modèle de film noir classique. Des plans américains, une rythmique alternant des scènes d’action et des scènes  paisibles montrant Dave Bannion avec sa famille. Mais dès l’assassinat de sa femme, le film prend une autre direction et change de nature. De l’enquêteur cherchant à démêler l’affaire du suicide de son supérieur, Bannion devient un « ange exterminateur » mû par la seule volonté de venger sa femme. Le visage de Glenn Ford se transforme, marqué par sa haine froide et irrépressible comme l’illustrent ses confrontations avec Vince Stone (Lee Marvin), le tueur bestial, maître des basses oeuvres de Mike Lagana, ou son emportement qui le mène presque à assassiner une femme.
Au-delà du rapport haine/justice, le film laisse deviner une autre confrontation sous-jacente : celle des classes sociales. Bannion, représentant de la petite bourgeoisie modeste, opposé au monde de l’argent et des parvenus. Cette dimension sociale est parfaitement illustrée dans l’impressionnante séquence de la visite que Bannion fait à Lagana dans sa prestigieuse demeure. Mike Lagana y règne en maître, sous le portrait de sa « princesse de mère » et où un bal se tient. Il est certain alors que les rapports de classe vont se terminer par une explosion de violences qui vont ponctuer la poursuite dramatique du film. Peu de gros plans, mais des plans larges comme sur une scène de théâtre, un rythme rapide et nerveux, elliptique, où la violence est toujours suggérée et jamais montrée, un éclairage contrasté (l’arrivée de Bannion chez Lagana, les relations et dialogues entre Bannion et Debby dans la chambre d’hôtel…). Toute l’esthétique de Fritz Lang est là, à laquelle vient s’ajouter une sémiotique policière des plus évocatrice : le revolver du suicide en gros plan dès la première séquence, le téléphone à plusieurs reprises annonciateur d’événements mortifères, le cigare de Lagana symbole de réussite sociale.
Règlement de comptes était-il le film préféré de Fritz Lang ? En tous les cas, c’est le nôtre.

Règlement de comptes (The Big Heat)
Fritz Lang
USA -1953

Avec Glenn Ford, Gloria Grahame, Lee Marvin
Disponible en DVD et Blu-ray

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