« The Blues Brothers » : un délire à l’excès

30 août 2021


Photo : AlloCiné

The Blues Brothers est une comédie musicale tournée en 1980 par John Landis. Mais c’est une comédie musicale qui n’obéit pas totalement aux normes cinématographiques du genre. En effet, l’intrigue passe au deuxième plan, masquée par la succession de concerts musicaux où les plus grands interprètes de soul, de gospel ou de rythm’n blues démontrent leur talent. Elle est également masquée par les séquences époustouflantes de cascades automobiles, de poursuites, de prises d’assaut de bâtiments et même de manifestations grotesques du parti nazi. Il faut cependant dire un mot de cette histoire, prétexte aux scènes musicales ou d’action qui sont dès lors le sujet principal du film.
Les deux personnages centraux, les frères Blues, Jake (John Belushi) et Elwood (Dan Aykroyd) se retrouvent à la sortie de prison de Jake. Concédons que sur le plan cinématographique, ces premiers plans sont fascinants et – bien qu’en couleurs – ils renvoient aux images des films expressionnistes allemands ou aux films d’Ida Lupino, notamment Outrage (1950). On peut voir se dessiner en silhouette le corps de Jake dans l’encadrement de la porte de la prison, auréolé d’une lumière jaune/or éclatante, en fort contraste avec le noir profond de la prison. Le plan où Dan l’attend de l’autre côté de la rue fait preuve du même minimalisme.
Leur aventure va alors commencer dans une atmosphère de farce joyeuse et rocambolesque. Ils rendent visite à l’orphelinat religieux où ils avaient été élevés et apprennent que celui-ci est débiteur d’un impôt de 5000 dollars payable dans les 11 jours sans quoi l’établissement sera contraint de fermer. Voici donc les deux frères Blues en quête de l’argent nécessaire. C’est en voyant dans une église baptiste un révérend faire son sermon (magnifique James Brown) dans un gospel tonitruant que Jake se trouve nimbé de la lumière divine et découvre la voie à suivre : reconstituer son groupe de rythm’n blues. Une certaine spiritualité évangélique traverse d’ailleurs le film. Le gospel dans l’église bien sûr, mais aussi le fait que Jake et Dan, après moult péripéties, finissent par rembourser au fisc ce qui est dû : l’orphelinat peut poursuivre son oeuvre et les deux frères parviennent ainsi à se racheter. Le dernier plan est significatif à cet égard. Le groupe des Blues Brothers se retrouve en prison et interprète devant les prisonniers, dans un rythme déchaîné, Jailhouse rock. On notera que sur le fond de la scène est inscrit : « It’s never too late to mend ». La rédemption est toujours possible.
Mais la musique commande. John Lee Hooker nous entraîne dans le blues. Ray Charles, dans sa boutique d’instruments de musique fait danser dans la rue les jeunes du quartier. Aretha Franklin, patronne d’un modeste restaurant, houspille son mari guitariste Matt en chantant Think, pour l’empêcher de rejoindre les Blues Brothers. Et puis, dans un moment de magie purement hollywoodien, Cab Calloway interprète sa célèbre chanson fétiche Minnie the Moocher.
Tout le film de John Landis se déroule dans la démesure. Les actions sont dignes des films catastrophe. Les exploits de Dan au volant de sa voiture renvoient ceux de James Bond au rayon des accessoires. Les courses poursuites entre les forces de l’ordre, les équipes de nazis et les frères Blues nous laissent pantois. Les carambolages de voitures de police, du jamais vu : on parle d’une centaine de voitures détruites pendant le tournage. Et cette destruction d’un centre commercial et ses vitrines éventrées : des dégâts qu’une bombe n’aurait pas provoqués. Et encore cette voiture des poursuivants nazis qui se retrouve éjectée à des centaines de mètres en l’air.
Les quelques apparitions de l’ex-fiancée de Jake se jouent aussi dans l’extrême. Pour se venger, la voici tirant au lance-roquettes détruisant le bâtiment dans lequel Dan et Jake étaient sur le point de rentrer. La voilà encore faisant exploser une bombe les ensevelissant eux et les deux policiers qui les suivaient ou utilisant un lance-flamme pour faire sauter la cabine téléphonique où se trouvaient les deux protagonistes.
Le summum de la démesure tient en plus de 15 minutes à la fin du film. Dan et Jake pénètrent dans l’hôtel des impôts, l’armée, la police locale de Chicago, la police fédérale, les pompiers, les gardes nationaux, des soldats descendant en rappel des tours des bâtiments cherchent à les capturer.
La démesure, l’excès sont des caractéristiques de nombreux films américains, mais aussi peut-être de l’Amérique. L’immensité du territoire et les grands espaces y sont pour quelque chose. Évoquons les grandes traversées de convois de bétail (La rivière rouge de Howard Hawks – 1949, Les affameurs d’Anthony Mann – 1952), les liaisons ferroviaires (Pacific Express de Cecil B. DeMille – 1939), la conquête de l’Ouest, la ruée vers l’or… Et sur un plan historique, tant de situations ou d’événements marqués par l’énormité, la démesure, le monumental, l’immensité avec comme exemple archétypique l’entrée en guerre des États-Unis en 1941 et le Débarquement de Normandie en 1944.
Finalement The Blues Brothers, film excessif ? Oui, musicalement excessif. Oui magiquement excessif. Oui excessivement délirant et jouissif.

The Blues Brothers
De John Landis
USA – 1980
Avec John Belushi et Dan Aykroyd
Disponible en DVD et Blu-ray

===================================================================

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *