« L’Odyssée de l’African Queen » : L’amour malgré tout 

18 février 2022


Photo : notrecinema

L’amour entre deux êtres ne pourrait-il éclore et s’accomplir que dans la confrontation de leur personnalité ? Et ne pourrait-il perdurer que grâce à l’humour ? C’est ce que John Huston essaye de démontrer dans L’Odyssée de l’African Queen, qu’il a tourné en 1951. Le film décrit les relations entre Charlie, un aventurier (Humphrey Bogart), et Rose Sayer, une missionnaire méthodiste (Katharine Hepburn), en Afrique orientale au début de la Première Guerre mondiale. À bord du bateau de Charlie, l’African Queen, ils essaient d’échapper aux Allemands qui brûlent le village où est installée la mission et brutalisent le pasteur, frère de Rose, qui en mourra. Il est intéressant de noter, dès le début du film, comment les deux missionnaires sont saisis de stupeur lorsque Charlie leur annonce qu’il y a la guerre en Europe alors qu’ils sont plongés dans leur mission d’évangélisation, en toute insouciance. La caméra nous montre les indigènes noirs indifférents aux efforts du pasteur, mais pressés de se saisir des signes de l’Occident, comme ils le font lorsqu’ils se précipitent sur le cigare jeté par Charlie. Ils n’en profiteront pas bien longtemps. Les Allemands, dans leurs exactions, ne tarderont pas à les évacuer brutalement pour en faire de la chair à canon.

Seuls sur ce petit bateau bringuebalant, le baroudeur Charlie, un rien grossier et porté sur l’alcool et la prude Rose, puritaine mais décidée, vont devoir cohabiter et affronter les épreuves qui les attendent. Alors que Charlie ne cherche qu’à se camoufler pour échapper à la canonnière allemande la Louisa, Rose propose et insiste pour équiper le bateau de torpilles, ce que, de mauvaise grâce, Charlie finit par accepter. Dans un décor d’un réalisme grandiose, l’African Queen résiste tant bien que mal aux rapides qui hélas finissent par détériorer l’hélice du bateau. Sur les conseils de Rose, toujours aussi convaincante, Charlie arrive à réparer le bateau ce qui va les remplir de joie et les faire tomber dans les bras l’un de l’autre.

Toute cette partie est filmée en plans rapprochés, comme pour mieux cerner les personnalités opposées de nos deux héros. Ils vont se chamailler, s’apprivoiser, s’apprécier puis s’aimer, sur fond de rapides, de chutes, de marécages, de boue, de pluies diluviennes et même d’horribles sangsues qui rendront Charlie malade de fièvre. C’est d’ailleurs cette proximité duelle des deux personnages, teintée de reproches, de fâcheries et d’humour, qui se trouve au centre du récit et en fait sa force. Ainsi, sous une pluie torrentielle, Charlie boude, trempé, dans son coin alors que Rose est protégée par un auvent de fortune, mais finira par laisser Charlie s’y abriter aussi en le couvrant d’un parapluie. Ne voit-on pas également Charlie faire le pitre, en imitant des singes ou des rhinocéros, pour manifester sa joie, à rebours du personnage en acier trempé auquel nous avait habitué Humphrey Bogart. Les dialogues aussi sont d’un humour exquis. Alors qu’ils sont faits prisonniers et condamnés à être exécutés par les Allemands de la Louisa et que le capitaine accepte de les marier, celui-ci prononce net : « Je vous déclare mari et femme, procédez à l’exécution ». Car oui, ils seront capturés par l’équipage de la Louisa alors que l’on avait cru un moment qu’ils s’en sortiraient. En effet leur bateau s’était enlisé dans la vase des marécages et seul un miracle pourrait les sauver. Alors que Rose prie pour qu’ils soient reçus au Paradis, la pluie inonde les marais et désembourbe le bateau. C’est la joie et l’excitation à nouveau. Et ce sera encore la joie et les embrassades lorsque le bateau dérivant avec ses deux torpilles vient percuter la Louisa et provoque une explosion qui leur évitera la pendaison.

Filmée avec un très grand réalisme, l’aventure de l’African Queen, telle une Arche de Noé voguant au milieu des rapides et sauvée du Déluge, nous entraîne dans une odyssée à deux personnages, pleine d’humour, de rire, de chaleur humaine et d’amour. Merci à Katharine Hepburn et à Humphrey Bogart pour la joie et la sensibilité de leur jeu. Et merci à John Huston pour les avoir filmés avec tant de plaisir et de délicatesse. Un chef-d’oeuvre du cinéma classique.

L’odyssée de l’African Queen
De John Huston
USA – 1951
Avec Humphrey Bogart et Katharine Hepburn
Disponible en DVD et Blu-ray

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