« L’impasse » : Une équation mortelle

24 février 2022


Photo : notrecinema

Fin des années 1970. Carlito Brigante (Al Pacino) ancien trafiquant de drogue sort de cinq années d’emprisonnement et décide de se ranger et de changer de vie. Mais y arrivera-t-il ? Brian De Palma dans L’impasse (tourné en 1983), nous fait naviguer avec Carlito sur le long fleuve semé d’embûches, aux mille méandres vers un havre incertain. On l’a deviné, le titre du film en dit long sur l’issue qui attend Carlito. Brian De Palma, ne nous cache rien. Dès le premier plan, un plan-séquence comme les aime le cinéaste, la caméra filme Carlito Brigante, sur une civière, mourant. Tout est dit ? Non. La voix off d’Al Pacino, refait le récit de sa tentative de rachat. Voici son meilleur ami, l’avocat David Kleinfeld (Sean Penn) cocaïnomane à frisettes sur un crâne à moitié chauve grâce à qui Carlito a pu éviter les 30 ans de réclusion qu’il aurait du purger. Voici un ancien détenu qui lui propose de s’associer dans une affaire de location de voitures. Très bien, cela lui permettra enfin de tourner la page et de partir aux Bahamas avec la femme de sa vie, Gail (Penelope Ann Miller). 

On est frappé par le sentimentalisme qui se dégage dans sa recherche de Gail, son ancienne petite amie avant son incarcération. On lit dans les yeux de Carlito son émotion lorsque depuis un balcon, il l’aperçoit répétant des pas de danse dans un immeuble lui faisant face. Émotion encore et poésie lors de leurs retrouvailles amoureuses. Et espoir de partir bientôt ensemble pour une nouvelle vie.

On est aussi impressionné par la nonchalance avec laquelle Carlito règle les affaires dans la boite de nuit où il est associé. Avec quelle précision il se défait de mafieux avec une boule de billard puis jette son revolver par dessus son épaule. Quel fair play manifeste-t-il à l’égard de son ancien rival, gros bonnet de la drogue, Benny Blanco, qu’il laisse partir à la suite d’affrontements, alors même que ses lieutenants menaçaient de le tuer… Autant de séquences qui se déroulent dans des décors et une atmosphère  de fin de règne : danseurs flous, numéros de strip-tease, fêtes orgiaques observées avec flegme par Carlito, comme s’il était déjà ailleurs. 

Ainsi, l’espoir de partir bientôt avec Gail est toujours là, en arrière fond de sa pensée, nette et déterminée. Mais entre temps, que de contrariétés, que de coups foireux, que de trahisons de ses anciens amis, notamment de David Kleinfeld, son avocat pourri. Celui-ci se voit confié par un de ses clients, Tony Taglialucci, un truand emprisonné, un million de dollars à remettre à un témoin pour l’innocenter. Le témoin dit n’avoir rien reçu et Tony oblige David à organiser son évasion. C’est alors que David propose à Carlito de l’accompagner. Celui-ci accepte de mauvaise grâce. Mais David avait en fait empoché l’argent et lors de l’évasion il tue Tony et son fils, entraînant Carlito dans ces deux meurtres. David sera tué en représailles par un autre fils de Tony.

C’est le moment pour Carlito d’envisager son départ à l’étranger. Il donne rendez-vous à Gail à la gare de New York et passe à la boite de nuit dans laquelle il était associé pour retirer son argent. Se rendant à la gare, il est repéré par la bande de Tony. La poursuite dans le métro est à couper le souffle, entre portières de séparation des rames et voyageurs bousculés. Puis c’est l’arrivée au Grand Central Terminal. Commence alors un extraordinaire plan-séquence de 12 minutes, une visite du lieu si l’on peut dire, avec ses couloirs, ses panneaux indicateurs, ses vues vertigineuses sur le hall central en plongée. Avec une minutie et une précision époustouflantes, avec un regard acéré qui ne lâche jamais ses poursuivants, Carlito, couché dans un escalator abat ses ennemis un à un. Arrivé sur le quai de la gare, Carlito retrouve Gail, mais, trahi par son homme de main, il est immédiatement abattu par Benny Blanco. Son destin est scellé. Rédemption impossible. Flash back : on revoie le premier plan du film, Carlito sur une civière mourant voit une annonce publicitaire pour les Bahamas sur laquelle des musiciens jouent, et Gail danse à leurs côtés. Un final qui évoque la chanson de Claude Nougaro, À bout de souffle (Blue Rondo à la Turk) : … Avec la mallette, je l’ai frappé, alors le coup de feu a claqué / Me clouant sur place / Oh Suzy, t’en fais pas / Je te suis, on y va / Les palaces, le soleil, la mer bleue / Toute la vie, toute la vie / Toute la vie.

L’impasse
De Brian De Palma
USA – 1983
Avec Al Pacino et Sean Penn
Disponible en DVD et Blu-ray

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