« Traquenard » : Un polar flamboyant

8 avril 2022

Photo : AlloCiné

Le film de Nicholas Ray, Traquenard, tourné en 1958, trois ans après La fureur de vivre, cultive avec lui une même virtuosité dans la mise en scène. Il ouvre la voie à des réalisateurs tels Francis Ford Coppola, Martin Scorsese ou Brian De Palma, tous fascinés par les films de gangsters comme l’est Traquenard. Justement, Nicholas Ray est un réalisateur qui maîtrise tous les genres cinématographiques. Et c’est bien le cas ici. Traquenard est certes un film noir, mais c’est aussi un mélodrame, une comédie musicale, un film de prétoire. Voici des gangs qui font main basse sur Chicago durant la Prohibition en 1930. Un parrain mafieux, Rico Angelo (Lee J. Cobb, impressionnant) entretient des relations ambiguës avec son avocat et ancien ami d’enfance Thomas Farrell (Robert Taylor). Ce dernier arrive sans peine à faire acquitter les hommes de Rico sans éprouver semble-t-il une quelconque gêne morale. Jusqu’à ce qu’il rencontre dans une soirée organisée chez Rico, la danseuse Vicki Gaye (Cyd Charisse). Il est séduit et la protègera contre les agissements malveillants de Louis Canetto, l’adjoint de Rico. Le film trouve ici sa dimension mélodramatique. Des personnalités contrastées vont se séduire et s’aimer : lui, Farrell, boiteux se déplaçant avec une canne et naviguant dans les eaux troubles de la mafia ; elle, Vicky, merveilleuse danseuse au sens moral sans faille, faisant tout son possible pour amener Farrell à ne plus se compromettre. Le décor favorise le romantisme qui s’y déploie avec ses couleurs rouge et or et les numéros envoutants de danse de Cyd Charisse, probablement, deux des plus belles scènes de danse du cinéma. Ces danses d’une sensualité inouïe de Cyd Charisse, crèvent l’écran et nous plongent dans les grands moments de la comédie musicale hollywoodienne. 

Retour au crime, où là encore Nicholas Ray manie les contrastes avec un sens aigu du détail. La personnalité de Rico, faite tout d’un bloc, abrupte et tyrannique, face à celle ambivalente et tourmentée de Farrell, au sein desquelles s’intercale la figure de Cyd Charisse en quête de rédemption pour elle et pour Farrell. Contraste encore jusque dans le style des vêtements, criards et débraillés des mafieux, élégants et raffinés de Farrell dans son smoking noir… Puissance despotique de Rico au visage toujours barré de son éternel cigare ; fragilité de Farrell qui, à la suite d’une blessure passée, ne peut se déplacer sans sa canne. Même le loufoque se glisse au milieu des scènes de violence ou de romance. Ne voit-on pas pleurer Rico lorsqu’il apprend le mariage de la star Jean Harlow dont il était amoureux ? Et à la cruauté de l’acide sur le visage de Rico se jetant dans le vide s’opposent la sensibilité et le raffinement des danses de Cyd Charisse. Contraste enfin, et c’est peut-être là que réside toute la beauté du film, entre les couleurs sombres ou en demi-teinte des séquences criminelles et la flamboyance des rouges et des ors des scènes romantiques. Finalement, l’amour de Farrell et Vicki triomphe dans son combat contre la haine et la mort. Happy End ! 

Traquenard
Nicholas Ray
USA – 1958
Avec Robert Taylor, Lee J. Cobb, Cyd Charisse
Disponible en DVD et Blu-ray

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