« Les Eastwood » : Paroles et musique

10 décembre 2023


Photo : Visbooks

Parmi les nombreux concerts donnés cet été et cet automne en France par le contrebassiste Kyle Eastwood, retenons celui du 26 novembre 2023 à Antony au théâtre Firmin Gémier. Pendant près de deux heures Kyle a pu interpréter la plupart des morceaux de musique des films de son père, Clint Eastwood. La projection en arrière plan d’un entretien avec Clint Eastwood accompagnait le concert. A Antony, Kyle Eastwood était avec son quintet, sans orchestre symphonique, ce qui lui donnait une allure plus décontractée, plus spontanée. C’était un plaisir d’entendre le père et le fils évoquer avec humour et nostalgie le travail musical de chacun des films dont la bande originale était jouée sur scène.

Le quintet était composé de Kyle à la contrebasse et à la basse; d’Andrew McCormack au piano, d’un dynamisme époustouflant; de Quentin Collins à la trompette et au bugle; de Brandon Allen aux sax et de Chris Higginbottom à la batterie, excellent mais abusant peut-être un peu trop du rim click*. On a pu ainsi se replonger dans l’atmosphère des films de Clint Eastwood.

Clint Eastwood a fait de la musique très jeune. Sa mère jouait du piano. Un jour raconte-il, il a vu un type dans une fête jouer un genre de boogie. « Je peux le faire aussi » se dit-il. Il est la première personne que son fils Kyle a vu jouer. C’est avec lui aussi que Kyle a assisté à son premier concert, le Count Basie Big Band avec le chanteur Joe Williams. Kyle Eastwood a commencé d’abord au piano mais il s’est ensuite orienté vers la contrebasse et la basse qu’il a appris à jouer avec le bassiste français Bunny Brunel.

Tout au long du concert les deux Eastwood s’entretiennent sur les films dont le quintet interprète la BO. Pour L’inspecteur Harry réalisé par Don Siegel en 1971, Clint Eastwood avait fait appel à Lalo Schifrin, qu’il rappellera pour Magnum Force de Ted Post en 1973. Kyle appréciait notamment les lignes de basse de la musique de Schifrin. 

Pour La Sanction que Clint Eastwood a réalisé en 1975, ce dernier avait demandé à John Williams de composer une musique de jazz pour la deuxième partie du film qui se situe en Amérique et une musique plus classique pour la première partie, qui elle se situe en Europe. C’est ce que Williams a fait et qui fait dire à Kyle Eastwood qu’il « aime bien ce mélange classique/jazz ». C’est d’ailleurs ce qu’il a fait dans son dernier album car précise-t-il « ça convient très bien à un quintet de jazz ».

Avant que la musique ne reprenne, le père et le fils échangent leur souvenirs sur le tournage de Impitoyable (1992) et évoquent le compositeur et saxophoniste Lennie Niehaus qui en a fait la musique. Kyle rappelle que Lennie a composé 15 BO pour Clint Eastwood. Lors de son service militaire, Clint avait rencontré Lennie en 1951 dans un bar alors qu’il était serveur. Quelques années après Lennie Niehaus compose la musique de films remarquables de Clint Eastwood dont Bird en 1988, Impitoyable en 1992, Un monde parfait en 1993, Sur la route de Madison en 1995 ou encore Minuit dans le jardin du bien et du mal en 1997. 

Pour Lettres D’Iwo Jima (2006) Clint Eastwood avait demandé à Kyle d’écrire la musique. Il avait appris que des enfants avaient été enregistrés sur des disques 78 tours, diffusés à la radio probablement pour motiver les troupes. Il a demandé à Kyle si l’on pouvait retrouver ces enregistrements. A partir de là, Kyle et Michael Stevens s’en sont inspirés et les ont travaillés en leur donnant un accent plus occidental. Michael Stevens avait entre autres composé en 2008 la musique de Gran Torino et de Invictus en 2009. Justement, Gran Torino est un film marquant pour Kyle Eastwood. Il en a écrit la musique avec Michael Stevens à partir d’une mélodie écrite par Clint Eastwood lui-même. Une fois retravaillée, la mélodie est devenue une chanson écrite, jouée au piano et chantée par Jamie Cullum. « C’est ce qu’on entend à la fin du film », conclut Kyle.

Pour la musique de Bird, tourné en 1988, Clint Eastwood a usé d’une manipulation technique. Les solos de Charlie Parker ont été retenus, mais la section rythmique a été retirée, et de nouveaux musiciens ont constitué l’orchestre. « On a eu le vrai Charlie en éliminant tout le reste » se réjouit Clint Eastwood.

Le concert se termine par les trois films de Sergio Leone dont la musique a été composée par Ennio Morricone : Pour poignée de dollars (1964), Et pour quelques dollars de plus (1965) et Le bon, la brute et le truand (1966). C’est la première fois que l’on incorpore des effets sonores dans un film. Peu de compositeurs l’avaient fait à l’époque, précise Clint Eastwood et Kyle d’ajouter « C’était novateur, on n’avait jamais vu de westerns avec des musiques pareilles ». Quand Pour une poignée de dollars est sorti, Clint Eastwood raconte que « Ça a changé la donne. Je pense que ça a vraiment revigoré le genre du western. La musique de Morricone a beaucoup participé à ce renouveau ». Kyle Eastwood renchérit : « Ça démontre bien l’importance de la musique dans un film ».

Au rappel, le quintet, mettant en valeur la contrebasse de Kyle Eastwood, a joué La panthère rose de Henry Mancini, pour la plus grande joie de la salle. Une tournée du quintet de Kyle Eastwood est prévue en France en 2024. A ne rater sous aucun prétexte !

* rim click : technique consistant à frapper le cercle métallique de la caisse claire

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