Le blog de Camille et David

J'ai deux mots à vous dire



«TeamLab» ou l’interaction homme/lumière

27 mai 2018

TEAMLAB-AU-DELA-DES-LIMITES

TeamLab, du nom du collectif japonais, est une exposition hors du commun. Dans un immense espace de 2000 m² (la Grande Halle de La Villette), des artistes, des ingénieurs, des électroniciens, des programmateurs, des architectes, des mathématiciens… déploient un spectacle fascinant et poétique, faisant interagir les spectateurs avec des créations numériques, véritables œuvres d’art. On peut voir voler l’oiseau ou faire disparaitre un crocodile que l’on écrase du pied et que l’on a préalablement dessinés, faisant la joie des petits et des grands. Dans une autre salle, vous avez l’impression d’être submergé par une cascade. Ailleurs, dans une salle plus petite, vous devenez un passe-muraille. Dans un vaste aquarium multicolore, vous pouvez détourner le cours d’une rivière ou faire plier de votre main des massifs de fleurs ou de roseaux, le tout sur un fond musical d’écoulement ou de jaillissement d’eau. Le visiteur est ainsi en immersion, entre lumière, couleurs et sons. Il se laisse aller à la contemplation, à des rêveries infinies, modifiant à sa guise, selon son imagination, la réalité virtuelle dans laquelle il est plongé. Rien à voir avec la déstructuration numérique d’œuvres d’art, telles les toiles de Klimt ou de Hundertwasser que l’on peut voir à l’Atelier des Lumières, où l’art finalement disparait et où seule subsiste la performance techno-numérique. Avec TeamLab, c’est au contraire la performance des artistes et la participation du spectateur qui font l’œuvre d’art.

TeamLab – Au-delà des limites.
Jusqu’au 9 septembre 2018 à La Grande Halle de La Villette à Paris

L’Atelier des Lumières – Une immersion dans l’art et la musique : Gustav Klimt
389, rue Saint-Maur, 75011 Paris

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« Nobody’s Watching » de Julia Solomonoff

11 mai 2018

Nobody's Watching (2)

Il arrive parfois, notamment dans les grandes villes, d’avoir le sentiment de ne pas exister, d’être transparent, de vivre la mélancolie de la solitude. C’est ce qui arrive à Nico, un comédien argentin, venu à New York pour tourner un film et, espère-t-il, y faire carrière. Le film tant attendu est repoussé de jour en jour. Nico – l’excellent Guillermo Pfening – vit de petits boulots. Il est disponible pour faire du baby-sitting. Il est d’ailleurs toujours disponible, comme le sont les solitaires, désœuvrés, en attente de quelque chose qui ne veut pas arriver ou qui lui est refusée. Nico souffre, boit, provoque, joue les durs, mais il donne le change, toujours souriant, bienveillant. Il ne manque pas d’humour lors d’échanges attendris avec des femmes latino immigrées ou de dérision lorsqu’il va d’un appartement à l’autre son fauteuil sur la tête. New York l’avale mais ne le digère pas, le rejette même. Il est invisible sauf pour le bébé de sa sœur, qui lui, semble être le seul à le reconnaitre. Écrasé par le poids de l’anonymat, il est en train de perdre son identité argentine, sans pour autant gagner la newyorkaise. New York d’ailleurs est vu ici hors des images familières que l’on connait. Ce sont plutôt des parcs pour enfants gardés par des immigrées, des pistes cyclables bordant des autoroutes urbaines, les bords de l’Est River ou de l’Huston River, les quartiers populaires du Lower Manhattan ou de Battery Park. Un autre New York, qui n’est pas celui des touristes, mais celui des caissières de supermarchés, des serveurs de restaurants ou des bars de nuits chaudes. Un film plein d’humour et de tristesse à la fois. De la difficulté de vivre à l’étranger, d’être un étranger dans la solitude urbaine… et américaine ! Une parenthèse douloureuse au terme de laquelle Nico retrouve son confort et sa notoriété en revenant à Buenos Aires… ce que tout immigré ne peut, hélas, pas toujours réaliser.

Nobody’s Watching de Julia Solomonoff
États-Unis/Argentine…- 2017 –
Avec Guillermo Pfening, Marco Antonio Caponi et Elena Roger
En salles depuis le 25 avril 2018

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« Ready Player One » de Steven Spielberg

3 mai 2018

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Après Pentagon Papers, de facture classique et à la réalisation parfaitement  léchée, voici que Steven Spielberg nous revient – et avec quel talent – avec ce Ready Player One à la créativité débridée. Il nous entraîne dans le monde futuriste des jeux vidéo. Les personnages du film participent à un jeu, tous équipés de masques de réalité virtuelle. L’intrigue, bien que confuse parfois, nous décrit la confrontation entre le jeune Wade et sa sympathique équipe et une multinationale multimédia IOI. L’objectif de cette lutte est d’hériter de l’immense fortune du créateur d’un jeu vidéo dénommé Oasis et de prendre ainsi son contrôle. Au fil de ces aventures virtuelles, les avatars de nos jeunes héros vont vivre des expériences rocambolesques et époustouflantes qui plongent le spectateur dans des vagues de sidération joyeuse et émerveillée. La course automobile du début du film, qu’on ne veut pas voir prendre fin, nous transporte littéralement dans une transe jouissive. La ville de Colombus où vivent les protagonistes en 2045 est une sorte de bidonville vertical sinistre, mais magique et poétique à la fois. C’est un véritable chef-d’œuvre décoratif qui fait penser, en plus extravagant et plus baroque, par son architecture et ses couleurs, aux dessins préparatoires des décors de films d’Alexandre Trauner, comme dans Le jour se lève (Marcel Carné, 1939), La Garçonnière (Billy Wilder, 1960), ou Autour de minuit (Bertrand Tavernier, 1986). Et puis le film regorge de citations musicales et cinématographiques signant ainsi l’amour de Spielberg pour la culture des années 80/90. Les premiers jeux vidéo Atari sont évoqués. Des séquences entières projettent dans la réalité virtuelle des scènes du film de Stanley Kubrick, Shining, apportant au film un supplément d’atmosphère fantastique. Les références au monde numérique d’aujourd’hui sont là aussi exposées avec le regard critique et désapprobateur du cinéaste. La multinationale IOI, ce pourrait être Google ou Apple. Ses employés, rangés par centaines, équipés de leur masque et de leur ceinture de réalité virtuelle, nous signifient un monde où les individus sont manipulés, massifiés, indifférenciés, transformés en soldats-pantins asservis à la puissance prédatrice des grands groupes multinationaux. Pour y échapper, Steven Spielberg nous emmène dans son monde merveilleux et imaginaire. Un film salutaire.

Ready Player One de Steven Spielberg – États-Unis – 2018
En salles depuis le 28 mars 2018

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« The Rider » de Chloé Zhao

23 avril 2018

affiche the rider 1

Peut-on aller jusqu’au bout de ses rêves ? C’est la question que pose la cinéaste américaine Chloé Zhao dans ce film sensible et poignant entièrement dédié à l’Amérique des grands espaces. Fiction quasi-documentaire, Chloé Zhao porte son regard sur les membres d’une tribu Sioux dans une réserve du Sud Dakota. Brady est un jeune cow-boy dresseur de chevaux et passionné de rodéo. Dans le film, il interprète sa propre expérience, ses propres aventures, au même titre que son père Tim, sa sœur Lilly, autiste, et ses amis dont Lane, ex-champion dompteur de taureaux, tétraplégique et  handicapé à vie à la suite d’un accident. Brady lui-même, lors d’un rodéo, est éjecté de sa monture qui, en se cabrant lui écrase le crane. Il échappe tout juste à la mort et vit avec une plaque de métal dans la tête. Il n’a qu’une idée, revivre sa passion de cow-boy, galoper dans la violente et grandiose nature et reprendre ses épreuves de rodéo alors qu’il lui est interdit de remonter à cheval. Peu à peu, tout au long de sa convalescence, Brady, s’approche des chevaux sauvages, les dresse progressivement, les monte délicatement, avec une tendresse et un amour intense. Les gros plans sur son visage, les caresses qu’il adresse à ses chevaux, l’affection qu’il manifeste à son « frérot » Lane,  le montrent tour à tour volontaire et heureux de bientôt reprendre les concours, contre l’avis des médecins et de son père mais anxieux et hésitant quant à ses possibilités physiques. Ira-t-il au bout ? Sera-t-il maître de son destin ? Un film tendre et sauvage.

The Rider de Chloé Zhao – États-Unis 2017
Avec Brady, Tim et Lilly Jandreau, Lane Scott.
En salles depuis le 28 mars 2018

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Trilogie Nicolas Bouchaud : La Loi du marcheur, Le Méridien, Un Métier idéal

4 avril 2018

Après La Loi du marcheur et Le Méridien, Nicolas Bouchaud s’empare avec talent et passion du livre de John Berger Un métier idéal qui décrit l’activité au quotidien d’un médecin de campagne. Nicolas Bouchaud poursuit ainsi sa quête d’hommes remarquables, de personnalités hors du commun. Il nous a enthousiasmé avec La Loi du marcheur, le fameux entretien avec le journaliste Serge Daney, fou de cinéma, mis en scène par Éric Didry. Il nous a ému avec Le Méridien, d’après le poète philosophe Paul Celan, mis en scène également par Éric Didry. Voici des hommes qui vont vers les autres, qui font don de leur être, de leur savoir, qui cherchent toujours à venir en aide, à servir. Serge Daney, pas ses connaissances, sa générosité, son amour du cinéma est un transmetteur de richesses intellectuelles qui nous fait partager ses passions. Paul Celan, cet immense poète, est l’homme de l’amitié et de l’amour, qui tend la main à l’autre, qui ne voit pas « de différence entre une poignée de main et un poème ». Et John Sassall, le médecin du livre de John Berger, c’est l’homme qui soigne les malades et entre en relation avec eux par un attachement à leur personnalité profonde. Pour lui, la relation à l’autre est originelle et inaugurale par rapport à la relation au malade. Tous les trois sont des êtres généreux, attentifs aux autres, qui font don d’eux-mêmes, qui vont vers l’autre dans un mouvement antérieur à toute expérience. De leur action éthique jaillit la connaissance, l’amour, l’amitié et le soin. Nicolas Bouchaud, avec générosité et talent, nous fait partager ces moments d’humanité et de poésie.

Trilogie Nicolas Bouchaud au Théâtre du Rond-Point à Paris jusqu’au 14 avril 2018

Trilogie Jpeg

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« Notre innocence » de Wajdi Mouawad

2 avril 2018

Un groupe de jeunes s’interroge sur la mort de l’une d’entre eux. A-t-elle été assassinée ? S’est-elle suicidée ? A-t-elle seulement existée ? L’homogénéité du groupe, les liens d’amitié qui les unissent, leur vision commune du monde, leur rejet des générations antérieures, leur désespérance et leur colère sont magistralement exprimés dans la première partie du spectacle. Ils sont 18 formant un chœur parfait, déclamant en un sans-faute un texte rageur, mais hélas quelque peu élémentaire, un peu trop sur-souligné. Cette longue litanie, répétitive, lancinante, sans fin est rythmée comme une musique de jazz, avec ses accélérations et ses syncopes et donne au groupe une sorte de minéralité indestructible. Et se conclue par une répétition interminable des « dernières mesures » évoquant probablement les incertitudes dans lesquelles le groupe se débat. « Je sais pas » scandent-ils durant plus de 10 minutes. Leur déprime est telle qu’ils doivent s’en libérer et c’est bien ce que nous montre le tableau suivant : une sorte de chorégraphie pop dansée par tous les protagonistes, comme un oubli de soi, dans une ambiance déchainée, noyée dans les fumées, la musique et le tourbillon agressif des lumières.

Mais l’homogénéité du groupe va bientôt voler en éclats. Le groupe se fissure, craque, traversé de ruptures et d’antagonismes violents. La cause ? La mort de cette femme, Victoire, qui se serait jetée de sa fenêtre. Les individualités de chacun refont surface pour comprendre, accepter, nier… la mort de Victoire. Les sentiments de chacun explosent et fusent au-dessus de la table commune. L’incrédulité, le déni, la haine, l’indifférence, la culpabilité, le scepticisme, la passion sont au rendez-vous de ce pugilat collectif et tournent en quelque sorte autour de l’absente. Cette Victoire, réelle et virtuelle, nous apparait comme une Pythie ou comme un totem qui tantôt donne forme et cohérence au groupe (le chœur du premier tableau), tantôt l’entraîne dans des divisions antagonistes (la table du troisième tableau). Et puis quelque chose se produit en ouverture du quatrième tableau : un miracle, l’absente va parler, elle revient dans l’immanence et s’adresse à sa petite fille, vivante ou pure illusion, qui sait ? L’émotion nous saisit. Nous ne sommes plus dans la réalité, ni dans la fiction mais bien dans un conte imaginaire, où tous les amis du groupe se retrouvent et s’élèvent au-delà de leur misérable quotidienneté. Une porte vers l’espoir s’ouvre alors à eux. Malgré deux petites séquences qui aplatissent ou ralentissent un peu la dynamique, (la petite fille dans sa chambre qui appelle sa mère et l’autopsie de la morte dans un lieu qui se veut bloc opératoire), l’intensité dramatique de la mise en scène de Mouawad revient bien vite et nous comble d’émotion et de ravissement.

Notre innocence au Théâtre de la Colline à Paris jusqu’au 11 avril 2018

Notre innocence Jpeg

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« America » : Arizona 2017, le film

27 mars 2018

Voici un film cauchemardesque et émouvant tout à la fois. Le réalisateur présente une série de personnages, rednecks passablement anarchistes, attachés à leurs armes à feu comme étant une partie d’eux-mêmes, viscéralement opposés aux intellectuels et aux bourgeois de la côte Est, fans de Donald Trump et évidemment vomissant Obama et Hillary Clinton et fantasmant sur le retour de la grandeur de l’Amérique. Ce retour, aura-t-il lieu ? Dans cet Arizona de rêve avec son Grand Canyon, sa mythique Route 66, son Monument Valley dans la nuit étoilée, que John Ford a su si bien montrer dans ses westerns, le cinéaste filme avec empathie ses protagonistes dans la petite ville de Seligman, entourés des carcasses de vieilles voitures abandonnées, de stations d’essence désertes, de bars glauques où règnent l’ennui et la bière et où les trains ne s’arrêtent plus. Est-ce d’ailleurs un hasard, si les dernières images laissent voir passer un train chargé de chars d’assauts, renvoyant probablement au militarisme du pouvoir américain. Le tout est  filmé avec les couleurs et les photos de Sylvain Leser, faisant penser à Edward Hopper, à couper le souffle.

America de Claus Drexel et Sylvain Leser – France 2017
En salles depuis le 14 mars 2018

Affiche_Diaphana distribution                     La mythique Route 66
Affiche Diaphana Distribution                                         La mythique Route 66

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« La loi du marcheur » : entre théâtre et cinéma

10 mars 2018

Le théâtre du Rond-Point reprend depuis le 7 mars 2018 La loi du marcheur que Nicolas Bouchaud a monté à partir des entretiens de Régis Debray et Serge Daney, le critique des Cahiers du cinéma, dans une mise en scène d’Éric Didry. Le comédien s’approprie les paroles de Daney et les projette aux spectateurs comme un film. De la scène, on entre alors dans l’imaginaire cinématographique que Nicolas Bouchaud, en immense comédien qu’il est, illustre avec des plans tirés de Rio Bravo de Howard Hawks avec John Wayne, le film préféré de Serge Daney. Comme un enfant, il nous entraine avec lui à regarder les images et à jouer au cow-boy, comme dans les westerns, que Daney appréciait particulièrement. Dans ses entretiens avec Régis Debray, Serge Daney, expliquait que les images, les films étaient de véritables chocs : Rio Bravo bien sûr, mais aussi Rome ville ouverte de Rossellini, Nuit et Brouillard, d’Alain Resnais ou même le visage d’Ava Gardner. Le spectateur entre dans la pièce et le jeu de Nicolas Bouchaud comme on entre dans un film, en silence et les yeux écarquillés, l’imagination en effervescence. Passionnant et jubilatoire !

À voir ou revoir au Théâtre du Rond-Point du 7 au 18 mars 2018

La loi du marcheur

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OH LUCY ! De Tokyo à Los Angeles

21 février 2018

Setsuko est une employée, vieille fille solitaire et aigrie qui s’ennuie ferme dans son travail de bureau à Tokyo. Son quotidien est vide, oppressant et quasi-suicidaire. Mika, sa nièce lui fait découvrir un cours d’anglais. Setsuko tombe follement amoureuse du professeur, John, un jeune américain frivole et excentrique qui la dote d’une perruque blonde et la surnomme Lucy. Lorsqu’il quitte le Japon avec Mika, elle va tout faire pour le rejoindre en Californie. Son séjour avec sa sœur (mère de Mika) à Los Angeles sera particulièrement mouvementé, et Setsuko prend conscience que l’Amérique ne correspond pas aux attentes qu’elle y avait projetées. Déçue, elle retourne à Tokyo, démissionne de son travail et reprend ses errances en quête d’amour.
Au-delà des péripéties qui se jouent entre les personnages, ce sont deux mentalités qui s’affrontent. Face à la recherche désespérée d’amour et de reconnaissance de Lucy, la désinvolture, le dilettantisme et l’indifférence de John ne font que l’entrainer dans l’abattement et la déprime.
Pour son premier film, Atsuko Hirayanagi nous montre aussi un va et vient entre deux cultures. À Tokyo, la foule, toujours en mouvement, s’agite de façon anonyme dans les grands carrefours urbains, aux immeubles concentrés comme celui de Shinjuku que le film nous donne à voir. Les appartements sont minuscules, comme celui, encombré, de Lucy. Les bureaux où elle travaille sont d’un blanc immaculé; les employés silencieux sont alignés comme des pions, au sourire et dévouement factices. Le paysage est traversé par des trains, toujours des trains, qui se croisent, annonciateurs de suicides, comme celui du premier plan du film, laissant indifférente la foule rangée en lignes impeccables.
En Californie, la première chose que Lucy voit, ce sont les palmiers géants et les derricks sur l’autoroute qui mène à Los Angeles. Elle loge dans un motel triste à souhait où les cloisons laissent passer les gémissements des voisins. Elle se retrouve souvent avec John ou seule dans un bar ou dans un diner, archétype des restaurants américains.
Oui, ce premier film est passionnant, malgré quelques confusions dues à la prolixité des situations. Mais passionnant tout de même par la richesse des oxymores qu’il soulève : celui des sentiments et des émotions, entre le besoin d’amour de Lucy et  l’inconstance de John; celui des différences culturelles entre Tokyo et la Californie; et surtout celui du traitement cinématographique, entre humour et drame.

OH LUCY ! Un film d’Atsuko Hirayanagi – 2017
En salles en France à partir du 31 janvier 2018

Oh Lucy

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«Un enfant attend» de John Cassavetes

13 février 2018

Un enfant attend, le troisième film de John Cassavetes porte-t-il toujours la marque de fabrique de Shadows : un cinéma nerveux, syncopé, non conventionnel, improvisé… ? Peut-être de façon sous-jacente, mais certainement pas de prime abord. Un enfant attend est un film classique, au montage léché, dans un noir et blanc malgré tout très hollywoodien. Certes, Cassavetes n’a pas eu le final cut. Le producteur Stanley Kramer imposera une fin qui n’était pas celle souhaitée par le cinéaste. Cassavetes reniera le film et continuera sa carrière hors du système des studios. Mais de quoi s’agit-il ? Du débat autour de l’opposition entre les deux façons de concevoir l’accueil et le traitement des enfants autistes et trisomiques. Faut-il les mettre entre les mains d’institutions spécialisées, où règne la discipline de l’éducation et de l’apprentissage, dont le docteur Clark (formidable Burt Lancaster), colossal et imperturbable, en est le représentant ? Faut-il au contraire les entourer d’amour et répondre favorablement à leur moindre demande d’affection, comme le fait la fragile éducatrice Judy Garland ? Le film ne tranche pas nettement, mais il se situe plutôt dans un entre-deux, que la mère d’un enfant autiste, interprété par Gena Rowlands, porte avec douleur et une infinie culpabilité : laisser son enfant, Reuben, auprès des éducateurs et se forcer à retenir son débordement d’amour. Le film est tourné en plans très rapprochés et en contre-plongée, mettant le spectateur au milieu des enfants (de vrais handicapés), vivant avec eux, et comme eux, leur gaité insouciante, leur souffrance et leur vulnérabilité. Un film beau, émouvant et déchirant.

Un enfant attend de John Cassavetes – 1968
Avec Burt Lancaster, Judy Garland et Gena Rawlands
Réédité en version restaurée en février 2018
Disponible en DVD et Blue Ray

 

400px-ChildWaitingPoster     affiche Cassavetes un enfant

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